Et ils ont
instauré ce rituel. Tous les soirs ils se rendent au sommet de l’immeuble le
plus haut pour assister à la tombée de la nuit.
Ils arrivent
enfin à destination. A travers le trou qu’a ouvert la dernière bombe d’un
illuminé dans le dôme, le flamboiement du ciel les émerveille comme chaque
soir. En comparaison, les couchers de soleil des films hollywoodiens de la
grande époque ne sont que de pâles copies. La réfraction de la lumière des
différents gaz composant l’atmosphère génère ce merveilleux spectacle. C’est
bien le seul avantage de cette pollution mortelle. Lui revient en mémoire la dernière
image d’une bande dessinée de fin du monde. Le couple se déshabille pour sentir
une dernière fois le souffle du vent sur leurs peaux. Adam ricane. Il n’est pas
candidat à une longue agonie de son corps rongé par l’air acide.
Il frissonne et
s’approche d’Eve pour la serrer dans ses bras. Elle ne se dérobe pas, pour une
fois. Il soupire. S’ils avaient été un vrai couple… Mais ils sont LE dernier
couple.
Au dernier
rougeoiement, ils redescendent vers leur appartement.
Toutes les
usines sont automatisées et ne tournent plus que pour eux. Combien de temps
encore continueront-elles après leur mort ? En silence ils se défont de
leurs scaphandres qu’ils raccrochent soigneusement dans l’entrée. De cette
attention portée à leurs combinaisons dépend la possibilité d’admirer le seul
spectacle en technicolor de leur vie ; avec les films bien sur ! Après
avoir ingurgité leur ration journalière de nutriments, ils se replongent chacun
dans leur univers virtuel.
Ils ne dorment
plus beaucoup. Chaque fois ils sont assaillis par les images de violence qui ont
emportés leurs proches. La grisaille de leur environnement et les frustrations ont
plongé les hommes dans une spirale ininterrompue de crimes et de suicides.
De guerres aussi.
Les tentatives
d’étourdir la population avec des images et de la musique en continu ont eu
l’effet inverse de celui escompté. Ils ont assisté, impuissants, à la
dégringolade de l’humanité ne réussissant à survivre que de justesse. De ce
temps où leurs sens étaient sollicités en permanence ils ont gardé le goût de
s’oublier dans les films. Deux petites âmes perdues dans un univers de
machines.
Une
nouvelle journée passe sans vie.
L’horloge sonne dix-huit coups.
Ils retournent
sur le toit du monde. L’immeuble, sur lequel ils se tiennent, mesure cent-vingt
kilomètres de long sur quatre-vingt de large. Il domine les autres barres de
plus de cinquante mètres. Eve l’a surnommé le plateau. Et, ce soir, sur le
plateau habituellement désert, quatre silhouettes se détachent sur fond de
soleil couchant. Adam et Eve se donnent la main. Le cœur battant ils observent
les formes humanoïdes se rapprocher en contre-jour. Humains ? Non ! Ils
se déplacent sans scaphandre ! Les quatre personnages se dressent face à
eux avant qu’ils aient pu penser plus loin.
- Nous venons
faire l’état des lieux.
A suivre…
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